Bonjour !
L’année passée nous avons plus particulièrement exploré la couleur. Cette année, je vous propose de continuer notre découverte en nous penchant sur les matériaux bruts qui vont nous permettre d’élaborer nous-même nos recettes de peinture comme le faisaient les peintres avant l’avènement des mélanges en pots du commerce.
Avant tout, il nous faut comprendre ce qui constitue une peinture…
Nous avons vu l’an dernier que, dans la plupart des cas, la couleur de notre peinture sera donnée grâce aux pigments. Que se passe-t-il si je dilue tout simplement ces poudres colorées avec de l’eau ?
J’obtiens une pâte plus ou moins liquide. Si j’applique au pinceau ce mélange sur une surface (mur, papier, toile…), le résultat immédiat sera satisfaisant. Ma surface est recouverte d’une couche de couleur.
Lorsque cette couche va commencer à sécher, je vais déchanter : si je frotte ma peinture, la plus grande partie de mon pigment va se transférer sur mon doigt ! Pourquoi ce résultat décevant ? C’est tout simple : le processus de séchage, c’est juste l’évaporation de l’eau contenue dans ma pâte de pigment. Il reste donc, sur mon support, seulement la poudre de pigment qui redevenue libre n’y adhère évidemment pas.
Certains me diront qu’ils ont déjà « peint » avec du pigment et de l’eau, et que cela a tenu ! Il est vrai que si votre support est très poreux et votre mélange pas trop chargé en poudre de pigment, la capillarité va permettre au pigment d’infiltrer le support, en étant véhiculé par l’eau. Cette petite quantité de pigment absorbé par le support ne disparaîtra pas au frottement. Mais ce cas de figure est rare, et bien peu fiable… Les artistes spécialistes du pastel sec ne s’y trompent pas, qui pulvérisent leurs œuvres avec un produit fixatif sous peine de les voir s’effacer au moindre contact.
Pour fabriquer de la peinture, il nous faut donc ajouter au pigment une substance qui va « coller » notre poudre de couleur sur le support. C’est ce qu’on appelle le « liant ». Il agglutine les grains de pigment entre eux et les retient sur la surface peinte.
La formule pour une recette de peinture peut se schématiser ainsi :
peinture = pigment + liant
Puisqu’il constitue une composante indispensable de la peinture, le liant donne souvent son nom à la technique picturale : on parle de peinture à l’huile, peinture à l’œuf, peinture à la chaux, peinture à la caséine, etc.
Tout comme il existe différentes catégories de pigments (naturels, artificiels ou de synthèse – nous y reviendrons), il existe de nombreux types de liants.
On peut les distinguer, par exemple, selon
leur diluant : eau ou essence naturelle (térébenthine, citrus) ou artificielle (white spirit)
leur origine : naturelle (minérale, animale, végétale) ou synthétique (dérivés pétrochimiques)
leurs propriétés : opacité, mise en œuvre, aspect final brillant ou mat, compatibilité avec les supports, perméabilité, etc
Toutes ces caractéristiques vont orienter le choix d’un liant ou d’un autre selon le type de projet envisagé.
Ensemble, pour nos recettes « maison », nous utiliserons essentiellement des liants naturels : protéines, résines naturelles, cires, huiles siccatives, etc.)
Et parmi ces différents liants, nous ferons la distinction entre trois grandes catégories, selon qu’ils peuvent être dilués dans de l’eau, de l’essence ou indifféremment dans ces deux liquides.
En voici les principales caractéristiques générales.
Les liants aqueux se diluent à l’eau, et c’est également à l’eau que l’on nettoiera outils et pinceaux. Ils ont tendance à devenir opaques en séchant, à former une couche qui se rétracte un peu et donne une surface très légèrement rugueuse. Ils sèchent rapidement. La plupart sont réversibles, c’est-à-dire solubles de nouveau même si le film de peinture est déjà sec. Exemples : aquarelle, gouache, colle de peau…
Les liants huileux, qu’on peut dissoudre aux essences naturelles ou synthétiques et dont le volume diminue peu au séchage, ont un résultat lisse et brillant. Ils ont généralement un temps de séchage assez long et sont irréversibles après solidification complète, c’est-à-dire que leur structure moléculaire passe de façon définitive de l’état liquide à l’état solide. Ils sont généralement imperméables. On rincera les outils au white spirit, ou de préférence avec un éco-solvant biodégradable, voire directement au savon noir. Exemples : huile de lin, cire d’abeille…
Les liants en émulsion sont hybrides, à la fois aqueux et gras. Il s’agit du mélange de deux liquides normalement non miscibles entre eux, grâce à l’action d’une troisième substance : l’émulsifiant. L’émulsion peut être de type « huile dans l’eau », constituée d’une petite quantité de matière grasse en suspension dans une grande quantité d’eau. Elle est alors qualifiée d’émulsion maigre. Au contraire, elle peut aussi être de type « eau dans huile », comportant beaucoup de liquide gras (typiquement de l’huile) où sont dispersées de minuscules gouttelettes d’eau. On parle alors d’émulsion grasse. En théorie, les liants en émulsion peuvent être dilués indifféremment par de l’eau ou des essences. Dans la pratique, on diluera les émulsions grasses avec des essences et les émulsions maigres avec de l’eau. Les recettes de tempera utilisent comme liant une émulsion maigre.
Je tiens à évoquer pour finir deux liants aux caractéristiques notables : alors que la plupart des liants aqueux naturels sont réversibles, la caséine (protéine de lait que l’on peut isoler par précipitation) donne en quelques semaines un film insoluble.
Quant à la chaux, elle est également irréversible après carbonatation (cristallisation) complète. La vraie fresque, qui consiste à utiliser un support recouvert d’un enduit de chaux encore humide, est la seule technique qui permet de peindre sans liant, avec des pigments simplement dilués à l’eau !
Si, en théorie, une peinture peut se composer uniquement de pigments et d’un liant, d’autres éléments se retrouvent dans la plupart des recettes traditionnelles. En quoi consistent-ils et quelle est leur utilité ? C’est ce que je vous propose d’explorer dans le prochain Carnet.
Et vous, où se classe votre technique de peinture actuelle dans ma nomenclature ? Je vous ai préparé un mini-questionnaire pour en savoir plus, remplissez-le il ne comporte que 4 questions, et cela m’aide beaucoup à vous connaître !
Je suis curieuse d’avoir votre retour et de savoir quel liant a votre préférence, et pourquoi !
PS : la première vidéo du déménagement est là ! ➔ regarder
En savoir plus sur moi : Marie Vanesse
Mon manuel complet de recettes de peinture en pas-à-pas : Peintures, recettes maison (176 pages en couleurs, une cinquantaine de techniques traditionnelles ou naturelles)
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